L'ATELIER DES PAPAS

PAPAS EN PRISON

PAR-DELÀ LES MURS

En 2018, Le Théâtre de la Chute met en place un atelier de théâtre à destination des papas détenus à la prison de Nivelles. L’objectif de cet atelier est de créer une petite forme théâtrale, pensée, créée et interprétée par les papas détenus à la prison et désireux de se lancer dans l’expérience. A cette occasion, Le Théâtre de la Chute est partenaire de La Ligue des Familles, à l’origine de l’appel à projet, et de La Touline Asbl et compte sur le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Service Général Justice et Justiciables.

 

Avec ce projet, Le Théâtre de la Chute poursuit son envie de créer du lien par le biais du théâtre, de l’écriture, de la lecture et ce, pour tous les publics confondus. Ce projet questionne le thème de la parentalité. Le résultat de l’atelier était présenté à l’occasion de la Fête des pères à la prison le 9 juin 2019.

Papas en prison ; un projet plus global.

Ce projet « papas en prison, par-delà les murs » a fait suite au travail réalisé ces deux
dernières années à la prison de Nivelles par La Touline Asbl à partir de l’accompagnement d’un groupe de détenus en questionnement sur l’exercice de leur parentalité.

 

Ce qui pose problème aux papas, c’est le sentiment de ne plus être considérés comme crédibles et légitimes, aux yeux de la société, dans l’exercice de leur parentalité. Une situation qui induit un fort sentiment de rejet par leurs proches, mais aussi par leurs propres enfants.
Dans cette idée de donner une parole à un collectif de papas, de sortes qu’ils partagent doutes, joies et questionnements sur la relation à l’enfant et à la famille, la Ligue des familles, la Touline et le Théâtre de la Chute proposent un nouveau cheminement, créatif cette fois, à partir d’ateliers écriture-théâtre en vue d’une présentation de la démarche collective.

Papas en prison ; la réalité du terrain.

Jean-Michel Distexhe, anim-acteur du Théâtre de la Chute, a animé cet atelier et témoigne ici de son expérience.

 

« Nous sommes partis de ce constat : les prisonniers qui étaient pères étaient avant tout des pères. Et la relation avec leurs enfants devait être difficile à créer, à pérenniser. Nous nous sommes posés les questions suivantes : Qu’est-ce qui fait rire les enfants ? Les fait vibrer ? Trembler ? De quoi ont-ils peur ? Quelle musique aiment-ils ? Aiment-ils chanter ? Créer un spectacle pour les enfants permettait aux papas de se mettre dans la tête des enfants et donc d’une certaine manière de se rapprocher d’eux, de se mettre à leur niveau d’appréhension mais aussi de se replonger dans le monde de l’enfance. Enfance souvent arrachée par les événements de la vie qui n’est parfois plus qu’amertume. »

 

« L’histoire que nous avions décidé de raconter était tirée du livre Nuno, le petit roi de Mario Ramos : Le petit lion devient roi quand il croit son papa mort. Il se retrouve alors face à une flopée de revendications des autres animaux. Il se sent de plus en plus dépourvu jusqu’à ce que son papa, le Roi, ne se réveille et reprenne sa fonction de conseiller, guide des animaux de la jungle. Rassuré, le petit lion sort grandi de cette aventure. La parallèle avec un papa détenu absent et son enfant, souvent en proie à des questions et des responsabilités le submergeant, était le moteur de la pièce, sans être la morale. »

 

« Créer une dynamique autour d’une représentation prévue devant un public composé de leurs enfants donnait aux papas détenus la possibilité de s’investir sur le long terme (5 mois). Un travail de longue haleine avec pour débouché une représentation unique mais dense. L’enfant pouvait alors ressentir et imaginer le travail fourni et l’implication de son papa pour lui donner quelques minutes de rire et d’amusements. L’enfant pouvait aussi imaginer son papa répéter et penser à lui tout ce temps-là. Ce que les mots parfois ne peuvent dire, l’action le révélait. »

 

« Evidemment, tout ça parait plein de bonnes intentions, cependant le monde carcéral est difficile à cerner et les relations entre les différents acteurs de ce milieu fermé apparaissent complexes, rarement désintéressées et teintées de méfiance. La machine administrative joue un rôle dominant et crée souvent des désillusions et des frustrations chez les détenus, leurs proches ou les intervenants. Le temps s’écoule différemment en prison. Il y a du temps à perdre. De la patience à trouver. »

 

« Nous devions jouer cette pièce de théâtre dans le réfectoire qui accueille les visites le mercredi après-midi. Huit papas détenus se partageaient les rôles. Au final, un seul papa détenu aura été jusqu’au bout et nous avons fait une lecture animée dans un parloir pour avocats devant ses deux filles. »

 

« Petit à petit, les détenus manquaient à l’appel : manque de confiance, libération, ateliers obligatoires en même temps, sieste allongée, gardiens absents ou qui ne préviennent pas… Autant de motifs d’abandon et d’absence que nous recevions de semaines en semaines. Les aléas qui parsèment les périodes dans lesquelles nous intervenions auprès des papas détenus sont des faits inhérents aux prisons avec lesquels il faut composer. Ce n’est pas à nous de nous décourager et accompagner C., le seul papa détenu participant, dans cette aventure était une expérience humaine éprouvante mais sans doute essentielle. La persévérance et la confiance sont des qualités motrices au sein des prisons. »